Transports publics bruxellois : tout le monde descend...
en cellule ?
Depuis plusieurs années, le Collectif Sans Ticket, groupe d’usager-e-s des transports publics, intervient de différentes manières sur le réseau des transports en commun bruxellois : actions de sensibilisation, assemblées d’usager-e-s, apparitions publiques, Street party (manifestation festive), « opérations Free Zone » (service d’information des voyageurs des lieux où se trouvent les contrôleurs). Toutes ces initiatives et surtout les « free zones », actions qui consistaient à se rendre dans les métros et à libérer, par une intervention théâtralisée, une partie du réseau en désactivant les groupes de contrôleurs mobiles de la Société des Transports Intercommunaux bruxellois (STIB), ont contribué à faire surgir publiquement la question de l’accès libre aux équipements collectifs de transport.
Ces démarches "de terrain" se sont constamment couplées à une activité de recherche et de redéfinition de la manière d’envisager les déplacements sur les territoires régionaux, national et européen.
Au fil de ses cinq ans d’existence, le CST a formulé quelques hypothèses, notamment sur la nature et les enjeux de l’accès payant et des mesures de contrôle qui lui font pièce. Le sens de ceux-ci n’a que peu à voir avec les jutifications de type commercial. En effet, à y regarder de plus près, il s’agit bien plutôt tout à la fois d’un "contrôle" de la mobilité au sens d’un quadrillage des flux de déplacements et d’un rappel de la norme - l’instauration de frontières financières et spatiales dont la transgression peut déboucher sur une double condamnation (pénale ET civile), là où leur abolition serait sans aucun doute le mécanisme le plus viable.
Loin d’être confinée, cette approche singulière a créé débat de divers côtés, provoquant une tension entre la prétention capitaliste à atomiser les biens collectifs - dont font partie les services publics - et une sensibilité cherchant à recomposer un sens du commun.
- Mafieux2001
- Les inculpé-e-s en mafieux et mafieuses, au Palais de Justice en octobre 2001
A cette parole, à ces questionnements, la STIB, pour citer exactement l’une des déclarations de son avocat, a renvoyé un seul écho : elle "ne saurait être l’interlocutrice" du CST.
Sauf devant un tribunal.
La société bruxelloise de transports publics a en effet, depuis juin 2001, lancé une double procédure à l’encontre de 17 usager-e-s. La première, à court terme, via le tribunal des référés (action en urgence), visait, ni plus ni moins, à faire taire toute forme de contestation de la politique de rationnement de l’accès mise en oeuvre par la direction de la STIB. Cette dernière, en octobre 2001, a demandé et obtenu du juge des référés des astreintes, allant jusqu’à 125 euros de pénalité par acte constaté, si les démarches d’entraide et les affichages d’information d’usager-e-s du Collectif se poursuivaient.
Le CST a fait appel de cette ordonnance rendue en urgence en 2001. La suite ? Pas avant 2005. En attendant, les astreintes sont là …
La deuxième procédure de la STIB contre ces mêmes 17 usager-e-s porte sur le fond, sous l’angle du pénal. Les motifs qu’invoque la société de transports sont aussi délirants que l’acceptation par la chambre des mises en accusation d’une partie de ceux-ci. Pour rappel, les charges que l’avocat de la STIB voulait voir établies étaient notamment « association de malfaiteurs », « usurpation de fonction », « faux et usages de faux », « désorganisation de réseau » ou encore « trouble de l’ordre public ». Le tout, eu égard à un préjudice financier chiffré à... 5,6 euros.
Devant un dossier à l’évidence gonflé, en novembre 2002, siégeant dans une juridiction intermédiaire (la Chambre du Conseil, qui détermine si la tenue d’un procès est nécessaire), le juge d’instruction et le Procureur se prononcent pour un abandon pur et simple des poursuites.
Six mois plus tard, fait rarissime, le Président de la Chambre du Conseil ignore ces avis et renvoie les 17 prévenu-e-s devant le tribunal correctionnel, pour les préventions d’« association de malfaiteurs », de « distribution de tracts sans mention de l’éditeur responsable » et de « voyage sans titre de transport ».
Aussi fou que cela puisse paraître, le fait de se manifester en faveur de transports publics en accès libre et gratuit, de ne pas avoir les moyens de les payer, de lutter pour la participation directe des gens dans les choix d’une ville, conduit devant les tribunaux et fait planer une menace à la fois d’emprisonnement et de lourdes sanctions financières (la STIB réclame 30.000 euros), sans oublier les frais qu’entraîne la défense en justice.
Ici comme ailleurs, le fait de ne pas adopter le comportement attendu par celles et ceux qui, dans les instances de la STIB, comparent ce « service public à un supermarché », et le fait de promouvoir une autre vision du commun, suffisent pour se faire qualifier d’association de malfaiteurs. Ce qui autorise à mettre en branle une machine judiciaire dont les rouages se prétendent extérieurs à toute considération politique.
En Belgique comme sur bien d’autres territoires dans le monde, une tendance sombre se développe. Celle de la criminalisation - au sens premier du terme - des mouvements sociaux ou de toute personne qui emprunte des chemins de traverse. La légitimation progressive d’un recours aux tribunaux afin de réduire au silence ou de remettre dans les rangs celles et ceux qui par obligation ou par choix n’agissent pas dans le sens du « Meilleur des mondes ».
Pour tenter de mettre un peu plus de poids dans la balance, nous avons besoin de soutien, surtout financier, pour, à courte échéance, supporter les frais inhérents à ce genre de procès et à plus long terme, si la procédure connaît encore une série de prolongations (appel,...), pouvoir maintenir une défense juridique et politique convenable et ne pas finir écrasé-e-s sous différentes peines .
Le premier round commence ce jeudi 13 mai 2004 à 8h45 au Palais de justice de Bruxelles . En guise de réponse à l’inculpation « association de malfaiteurs » et pour ne pas perturber l’imaginaire normopathe de la direction de la STIB, nous y viendrons habillé-e-s en mafieux des années 30. Face a l’absurdité des charges, il nous reste l’ironie et l’écho des rires résonnants dans la froideur du Palais de justice.
Le CST
Tout soutien peut être versé au n° de compte 068 - 2319901 - 76
Plus d’infos au :
Collectif sans ticket
35 rue Van Elewijck
B-1050 Bruxelles (Belgique)
+32 2 644 17 11
collectifsansticket@altern.org
http://www.collectifs.net/cst