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Le tribunal des référés sanctionne la solidarité et obscurcit le débat.

Collectif sans ticket - 20 octobre 2001


Procès STIB/Collectif sans ticket : le tribunal des référés sanctionne la solidarité et obscurcit le débat.

Après deux semaines de délibéré, le Tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé vient de rendre une ordonnance ce lundi 22/10 dans l’affaire opposant la STIB (Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles) à 18 usagers proches du Collectif sans ticket (CST). Pour rappel, la STIB, se prévalant d’une douzaine de motifs d’infraction (association de malfaiteurs,…) demandait au Tribunal de prononcer une série d’interdictions assorties d’astreintes allant de 1000 à 5000 fb en cas de transgression (cf. communiqués précédents).


Par l’ordonnance rendue hier, la juge des référés rencontre une partie des exigences de la STIB. Rappelant tout d’abord qu’ “ il ne peut (…) être question de censurer la liberté d’expression des défendeurs (…) ”, elle interdit cependant aux usagers cités, sous peine d’astreintes de 5000 fb :
- l’affichage de textes du CST ;
- la distribution d’écrits sans mention d’un éditeur ou d’imprimeur responsable ;
- l’annonce aux autres voyageurs des contrôles en cours ;
- et la rencontre avec des travailleurs de la STIB dans les dépôts (“ dans les lieux privés de la STIB ”).

Ce jugement vide de leur substance les libertés d’expression et d’association dont il prétend par ailleurs défendre l’exercice.

1) Il inaugure ce que de nombreux acteurs de la société civile redoutaient et ont décrié – e.a. par l’Appel à soutien diffusé avant le procès : l’application d’astreintes judiciaires à une démarche citoyenne, hors de toute obligation contractuelle entre le demandeur (la STIB) et les personnes visées. La juge transfère sur le terrain des débats de société une méthode démocratiquement contestable et jusqu’ici cantonnée aux conflits du travail (piquets de grève, occupations d’entreprises…).

De plus, elle confère à ces astreintes un caractère anticipatif, “ proactif ”.

2) L’ordonnance innove aussi en étendant les interdictions à l’ensemble des 18 usagers cités, “ même (à) ceux qui n’ont pas été surpris dans le passé à commettre les faits litigieux ”. Le Tribunal estime que l’appartenance à un “ mouvement dont ils se présentent comme solidaires permet de dire qu’il est possible que chacun d’eux participe à chacune des pratiques litigieuses ”. Le délit d’appartenance montre ici le bout du museau. Dans ce cadre, il n’est plus nécessaire à la justice d’établir qu’une infraction a été commise pour condamner ceux qu’elle juge “ susceptibles ” de la commettre. Une telle approche ouvre la porte à un arbitraire judiciaire sans précédent récent.

Cette décision est d’autant plus singulière que le Collectif sans ticket, en tant qu’association de fait, ne jouit pas de la personnalité juridique. Le CST existe donc assez pour justifier une responsabilité et une condamnation collectives, mais cette responsabilité ne l’autorise pas à se défendre comme collectif devant les tribunaux.

3) L’ordonnance rendue indique qu’il n’y a “ pas lieu de censurer de façon préventive (le) discours ” du CST. Toutefois, au-delà de ce principe minimal, c’est la traduction pratique et collective de la démarche des usagers du Collectif sans ticket que le Tribunal interdit. En imposant 5000 fb d’astreinte pour toute annonce préventive des contrôles sur le réseau de la STIB, il sabote littéralement les opérations Free Zone, ces moments où usagers et travailleurs de la STIB dépassent le plan du discours sur la défense théorique d’un service public, pour produire une solidarité en actes.

Cette mise en mouvement par en bas des premiers concernés par les services publics de transport fait partie intégrante du débat public auquel le CST s’efforce de contribuer. Jean-Pierre Alvin, porte-parole de la STIB, déclarait à la veille du procès que “ Le débat ne doit pas être porté sur les quais du métro mais au niveau politique ”. Nous ne nous reconnaissons pas dans cette fausse alternative. L’évolution de la chose publique, de ses normes et des aspirations qu’elle véhicule, se joue pour nous en tout lieu et chez chacun, y compris donc sur le réseau de la STIB.

Les 18 usagers visés par l’ordonnance étudient dès lors l’opportunité d’un pourvoi en appel.








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