Nous sommes, disons, cinq équipes de trois personnes (ce qui est un nombre « standard » dans notre expérience jusqu’ici, mais le dispositif est suffisamment souple pour intégrer aussi bien trois fois plus de monde que deux fois moins).
En lien direct avec la campagne « Ni fraude, ni accès payant », nous mettons en place des actions de prévention de la fraude et de ses conséquences.
Imaginez-vous installé sur la banquette d’une rame de métro bruxelloise, plongé dans la lecture de votre journal favori. L’ordinaire, en somme. Soudain, trois individus vêtus de combinaisons blanches pénètrent dans le compartiment : « Bonjour à toutes et tous ! Nous sommes les anti-contrôleurs du Collectif Sans Ticket. Nous diffusons une carte qui permet aux personnes ayant peu de revenus d’avoir accès aux transports en commun et qui donne à tout le monde l’occasion d’adopter une position d’usager responsable plutôt que de client solvable. De plus, nous fournissons un service aux passagers en les avertissant des contrôles en cours sur la ligne. Nous vous annonçons donc que des contrôleurs de la STIB se trouvent à la Station Arts-Loi. Si vous n’avez pas de titre de transport valable, mieux vaut descendre à la prochaine station. Merci ! »
Pendant cette communication de l’« anti-contrôleur », un autre membre de l’équipe vous tend un dépliant. Vous y jetez un œil : « Ni fraude ni accès payant – Droit aux transports ici et maintenant ». Des conversations naissent de ci de là, de rares voyageurs ne prennent pas le tract mais la plupart d’entre eux l’acceptent. Contrôleurs de la STIB - Arts-Loi : l’info n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Vous n’êtes pas un fraudeur mais votre budget vous permet rarement de passer par la billetterie : mieux vaut descendre illico. Plusieurs voyageurs vous imitent. A peine les portes s’ouvrent-elles que les gars et les filles en blancs se dirigent en courant vers la voiture d’à côté, tandis que vous apercevez quelques autres de leurs collègues sur les quais, chargés d’accueillir les usagers « rescapés » ou simplement en demande d’informations. Vous vous retournez vers la rame de métro. Certains passagers affichent un large sourire. Au moment où le véhicule redémarre, une femme lève le pouce en signe d’encouragement. Aucun doute, vous êtes en pleine Free Zone.
Comment cela se passe-t-il de l’autre côté du miroir ?
L’intervention est simple et s’adapte aux situations rencontrées : présence ou absence de contrôleurs, grand ou faible nombre de participants, etc. Description.
Nous sommes, disons, cinq équipes de trois personnes (ce qui est un nombre « standard » dans notre expérience jusqu’ici, mais le dispositif est suffisamment souple pour intégrer aussi bien trois fois plus de monde que deux fois moins). La première équipe, en civil et munie de téléphones portables, sillonne le réseau en vue de repérer ceux que l’on tente le plus souvent d’esquiver. Les quatre autres groupes, en tunique blanche (type Tute Bianche), pourvus eux aussi de téléphones, vont à la rencontre des passagers pour leur faire connaître les projets du CST.
Dans le cas ou la première équipe repère une patrouille de la STIB elle informe les « tunique blanche » de leur localisation. S’ensuit une « mise sous cloche » de ces contrôleurs pour rendre leur travail inopérant.
Concrètement cela s’organise de la manière suivante : si un contrôle à été repéré à la station de métro Porte de Namur, par exemple, nous informons dans les deux stations en amont et en aval qu’un contrôle est entrain de se réaliser dans cette dites station.
Nous appelons aussi par cet acte ou ce service gratuit que nous rendons aux usagers d’en faire de même. De développer leur capacité de coopération et de solidarité « que l’on ai ou pas un titre de transports valable ».
Dans le cas ou aucun contrôle ne s’effectue, l’équipe en « civil » prend position dans différentes stations et par sa présence peut informer via les tunique blanche que la zone de métro ou de tram allant d’une station X jusqu’à une station Y est un espace ou l’usage du déplacement peut s’exercer de plein droit. Sans titre ni passe droit.
Au fil de ces opérations, nous avons constater que le temps vécu du transport souterrain dans le métro était particulièrement propice à ce genre d’intervention. C’est un temps suspendu, souvent vide. Trop bref pour se plonger dans un bouquin ou entamer une discussion avec un(e) inconnu(e), au risque de rater l’arrêt ou de devoir interrompre trop tôt l’échange. Mais ce temps est aussi trop long et trop vide pour ne pas s’ennuyer, ce qui produit une situation de réceptivité potentielle accrue de l’usager spectateur hors paysage de son propre déplacement. Idéal donc comme moment pour
1) un tract bref qui éclaire l’usager sur les conditions qui rendent son transport possible ;
2) moment idéal pour l’intervention inopinée du théâtre-action ou de l’agit-prop.
De fait, en l’espace de 60 secondes (le temps entre deux stations), pendant le passage d’une équipe de freezoneurs, dans un premier temps, étrangement, le climat se détend dans la voiture. L’irruption d’une parole collective portée à haute voix semble désamorcer une série de tensions qui jusque là se jouaient surtout dans l’implicite, probablement autour du fait d’être ensemble-séparés, comme reliés du seul fait de l’infrastructure. Après la sortie des « tuti bianche » du véhicule, chacun ayant assisté à la performance, beaucoup se plongent avec curiosité dans la lecture du tract. L’ambiance métamorphosée est à la lecture.